02/01/2023
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Mozambique : Dessai dirige son mari et ses beaux-frères

QUELIMANE (Mozambique) - Depuis quelques années, de plus en plus de femmes occupent le rôle de coach d’équipes masculines en Afrique. Dilar Dessai fait partie de ces pionnières et elle est en train d'accomplir un remarquable parcours.

Il y a deux mois, un nombre record de trois assistantes coachs ont participé aux Éliminatoires de la Basketball Africa League (BAL) 2023.

Dessai, ancienne internationale mozambicaine ayant ensuite servie d’assistante au coach Nasir Sale à la tête de la sélection nationale féminine de son pays pendant plus de cinq ans, est devenue la première femme à guider une équipe masculine jusque sur le podium de la ligue du Mozambique (MOZAL).

Le mois passé, le Sporting de Quelimane coaché par Dessai a en effet surpris les anciens champions nationaux et participants de la BAL du Ferroviario de Maputo pour décrocher pour la toute première fois de l’histoire du club la 3e place du championnat mozambicain.

Il est intéressant de noter que l’effectif du Sporting de Quelimane s’est appuyé sur un trio de frères qui se sont illustrés avec le Mozambique durant quasi une décennie : Augusto Matos, mari de Dessai, son frère jumeau Pio Matos et l’aîné de la fratrie Amarildo Matos.

La présence de femmes sur le banc de touche de formations masculines ne manque pas de susciter de l’intérêt. Récemment, le Commissaire de la NBA Adam SIlver a apporté tout son soutien. Et Valérie Garnier, une ancienne joueuse qui a coaché l’équipe nationale féminine de France pendant de nombreuses années, vient de signer avec Tours en NM1 française.

« Je ne pense pas qu’il y a une grande différence entre les coachs de basketball féminins et masculins », note Dessai auprès de FIBA.basketball.

« L’autorité au sein du vestiaire peut être un problème pour les femmes coachs, mais elles peuvent l’affirmer par les actes. Un coach doit être capable de mettre en pratique ses théories indépendamment de son genre. Il ou elle doit communiquer et agir. À la fin, la seule chose qui compte sont les résultats. »

L’équipe nationale du Mozambique qui a participé à la Coupe du Monde Féminine FIBA 2014, avec Dilar Dessai tout à droite 

Elle poursuit : « Maintenant que nous avons pris le 3e rang, nous songeons déjà au titre de la MOZAL et pourquoi pas à la BAL. Nous ne sommes plus des néophytes. Notre objectif initial était d’éviter la relégation, mais nous avons réussi à battre des équipes plus aguerries que la nôtre pour nous hisser sur le podium. »

Augusto (32 ans), Pio (32) et Amarildo Matos (37) ont représenté le Mozambique à de multiples éditions du FIBA AfroBasket et Dessai a également joué pour son pays.

 

Interrogée sur son expérience de coach-épouse, Dessai affirme que sur le terrain, les rapports sont les mêmes qu’avec n’importe quel autre joueur, même si elle ne cache pas parler tactique à la maison.

« C’est une position délicate, non seulement parce qu’il est mon mari et que ce sont mes beaux-frères, mais aussi et surtout parce que ce sont des joueurs déjà reconnus. Ils ont leurs habitudes et celles-ci créent parfois des petites tensions, mais ils savent rester à l’écoute malgré tout. »

Dessai ne s’est pas retrouvée du jour au lendemain à son poste actuel. Elle a remporté trois FIBA Africa Champions Cup Women (2007, 2008 et 2012) comme assistante de Nasir Sale et elle a contribué à la qualification du Mozambique pour la Coupe du Monde Féminine FIBA 2014 en Turquie, de quoi acquérir pas mal d’expérience.

« Ces compétitions m’ont aidée dans mon rôle de coach, car elles ont été très riches en enseignements », indique-t-elle.

Augusto Matos lors du FIBA AfroBasket 2015

Au sujet de cette nouvelle vague de femmes coachs dans le basketball africain masculin, Dessai explique : « Cela démontre que des femmes osent sortir de leur zone de confort. J’en connais certaines de l’époque où elles jouaient. Quelques-unes sont restées des assistantes coachs probablement par manque de confiance ou d’opportunités offertes. »

Mère de deux filles de 18 et 11 ans, Dessai s’est fixé des objectifs élevés pour sa carrière mais elle est la première à admettre que le chemin est encore long pour que les femmes coachs puissent vivre du basketball en Afrique.

« Comme coach, j’aimerais aller encore plus haut. Travailler avec une équipe nationale masculine, même comme assistante, est quelque chose que je ferais volontiers. Coacher en dehors du Mozambique serait plus difficile pour moi à cause de mon travail et de ma famille, qui vit ici à Quelimane. Je pourrais essayer, mais une fois le championnat fini, qu’est-ce que je ferais ? Pourquoi risquer de perdre mon job ? Pas à ce moment de ma vie », commente Dessai, qui travaille dans une banque en parallèle à son rôle au Sporting de Quelimane.

Dessai assise sur le banc durant le Tournoi de Qualification Olympique Féminin FIBA de 2012 à Ankara (Turquie)

S’agissant du projet du Sporting de Quelimane, qui a bouleversé la hiérarchie en MOZAL, Dessai note qu’avant de devenir l’équipe d’aujourd’hui, il a fallu relever de nombreux défis : « Nous n’avions pas de vrais sponsors. Nous avons changé de nom pour des raisons de marketing et de sponsoring, nous n’avions pas de salle, nous devions nous entraîner dans la rue jusqu’à ce que nous lancions une section basketball au Sporting de Quelimane. »

La présence des femmes coachs dans le basketball masculin africain n’est pas un fait divers : elles démontrent jour après jour - et de plus en plus - qu’elles sont capables de faire elles aussi la différence.

FIBA